...
Samedi 15h,
centre commercial "La Parisienne",
Les Ulis:
C |
' ' est marrant, pourquoi
ils ont appelé ça « La Parisienne »? J'en sais rien et je m'en
fous. Je me pose trop de questions, des
fois. Mais, c'est chelou ce nom: "La Parisienne ". Est-ce qu'en banlieue de Marseille, on trouve
des petits centres commerciaux s'appelant "La Marseillaise ", a Lyon, "La Lyonnaise"? A moins qu'ils s'appellent aussi " La Parisienne"?
Enfin, passons...
Paul
vient uniquement, acheter ses clopes ici. Parfois, aussi y
faire quelques courses, mais pas aujourd'hui. Il n'est pas la,
de toute évidence, pour se lancer dans une analyse sur le nom des
centres commerciaux dans les cités dortoirs. Sous le soleil qui rayonne
à travers les tours dans un ciel bleu sans nuages, il devrait réfléchir à
d'autres choses, plus dignes d'intérêt.
Dans ce
petit centre commercial perdu au bord de la route, entre deux arrêts
de cars, relié aux quartiers l'entourant par deux passerelles recouvertes de
plantes et de grillage (afin d'éviter les jets intempestifs de projectiles
sur les voitures et spécialement sur celles des fonctionnaires), on
trouve, outre le fameux bar-tabac-PMU, la pharmacie habituée à vendre
du néo-condion, la boulangère surveillant ses bonbons, les vigiles de la
supérette fliquant tout ce qui porte une casquette ou un survêt'
(ça en fait du monde), mais aussi une auto-école et une Maison Pour
Tous, délaissée par tout le monde, sauf par ses animateurs et leurs
potes.
Souvent,
le nouveau parking, aménagé récemment devant le tabac, pour
faciliter un arrêt rapide des fumeurs automobilistes, est squatté par quelques
cailleras (de 1 a 20) qui en ont fait leur base stratégique.
Agglutinés
autour d'une Mercedes immatriculée en Allemagne, gravant des
numéros de portable sur la cabine téléphonique, adossés aux murs taggés
("Nike ta mère! - 'Les Ulis an Force!"). Ils occupent le terrain.
Ils
font monter le sentiment d'insécurité, baisser le chiffre d'affaire du
bar-tabac, parler les mamies, pleurer les mères, rêver les gamins, venir les
toxs en manque...
Mais cet après-midi, il n'y
a personne, malgré le beau temps. Paul ne va pas s'en plaindre. Il s'en tape. Ils font partie du décor, il suffit de
tracer sa route et ils font pas
chier. Parfois, il leur lâche une clope en vitesse en sortant du tabac, mais jamais plus.
Paul
n'a pas envie de chercher d'embrouilles avec des mecs qu'il voit tous les jours
et qui n'ont, parfois, pour certains rien d'autre à foutre: "C'est
la galere, gars... T' as pas un joint'? Non? Alors, tu veux pécho?"
Et
puis, en ce samedi, Paul est content en faisant la queue au tabac. Il a le
sourire sous sa légère gueule de bois. La chance est avec lui. Il n'en
revenait pas, tout à l’heure, au lever.
Toute
cette thune (7 billets de lO0 5 de 500, 4 de 200: 3 000 balles) et toute
cette beuh (plus de 180g en comptant ce qu'il a fumé et donné à ses potes avant
de se coucher) a 50 balles le gramme au détail. Tout était à lui.
Tout est à lui.
Près de deux semaines de salaires et plus d'un mois (ouais, bien plus!)
de conso. Tout ça pour moi. Tant pis, non,
tant mieux pour ce petit facho de merde.
Bon, c'est chaud. J'espère qu'à part Sam et ses potes, personne d'autre ne m'a grillé à l'étage. Reste calme, plus de 50 personnes ont du passer dans la
nuit. On ne peut pas me soupçonner. Non, y a peu de chances. Et puis,
c'est pas mes potes qui vont me balancer, alors...
Putain, j'ai le cul bordé de nouilles sur ce coup la. C'est vrai, que
ce n'est pas commun chez moi de croiser la
chance, mais la: chapeau! Et puis enculer un enculé, c'est normal. En plus,
j'ai fait une action politique. Je suis un Robin des Bois moderne. Volons aux
fachos pour donner aux anti fachos!
Il ne
s'était jamais défini comme tel auparavant, ni n'avait preuve d'aucun acte le
démontrant, mais il est du bon, celui des gentils, des humanistes
résignés. Alors.
Voler un méchant, c'est uniquement lui faire
payer la monnaie de sa pièce. Et il n'v a pas de sales profits. Bon, je me contredis la, mais c'est pas grave ce qui compte c'est
le résultat. Et la, il est perfect.
Étant
dans un état d'esprit optimiste, pensant être placé sous le signe
de la chance, lorsque arrive son tour a la caisse, il demande,
comme d'habitude un paquet de Camel, et sans savoir pourquoi, enfin, si,
inconsciemment persuadé de sa veine, il rajoute: -Mettez-moi un
banco, aussi."
Il
paye, sort et sur le chemin, s'allumant une cigarette, il sort le ticket de
"Banco, ça banque illico" pour le gratter.
On peut gagner 5 000 francs, dit la pub. Et je ne
sais pas pourquoi, mais sur ce coup la, je le sens, ils sont pour moi. Pour une fois que j'ai du pot!
Faut sauter sur l'occasion, quand elle arrive faut pas la laisser s'enfuir,
cette conne de chance. Prise au piége!
Donc, je mets
toutes les cartes de mon côté, je joue au banco, et hop: 5 000 francs cash. Ce
n'est pas possible autrement. C'est ma
destinée, je vais gagner, j'ai sans doute déjà gagné.
Persuadé, que le chiffre 5 000
va s'afficher en toutes lettres, derrière la case grisée "grattez
ici", il s'arrête sur un banc, une pièce de monnaie et frotte
fortement a l'endroit indiqué, persuadé d'effectuer une pure formalité.
malheureusement, le résultat escompté n'est pas a la hauteur de ses illusions:
Vos Gains: Zéro franc.
Stupeur! Stupéfaction! C'est quoi cette merde? J'ai pas gagné!
Saloperie! C'est pas normal! Pour une fois que je jouais, peut-être la
première, j'aurais du remporter la mise. Y’a pas de justice!
Le moral de Paul en prend un
coup. Oubliés les 3 000 francs en liquide! Oubliée l'herbe endormie et désormais
a lui!
Il ne reste plus que ce ticket,
ridicule, de la Française des Jeux.
Perdant, le con! Même pas 5F
(son prix), non que dalle. Y a plus de morale! J'attendais au minimum un
Pascal!
Il déchire frénétiquement le
Banco, jette ses miettes dans une poubelle et arrivant chez lui, son enthousiasme
provisoirement envolé, il allume la télé, une vieille série
ricaine sur M6 envahit son cerveau...
Plutôt bas comme niveau. C'est pas de pot...