...
Dimanche, minuit et demie,
aux alentours de Gare de L'Est:
Il est vrai que Frédéric,
passablement éméché, poussant un juron relatif a l' hypothétique mère de la
flasque de whisky, qu'il vient de
jeter, vide, par terre, est loin de toute prise de position sur ses goûts musicaux.
On
peut même affirmer, à son grand dam, qu'il est à milles lieux de pouvoir ne serait-ce que formuler une miette de pensée sensée. Déjà qu'il lui a
fallu près de trois quart d'heures
pour relier, a pied, deux gares que
même un touriste japonais, photographiant à tout va, peut joindre en moins de
10 minutes.
Il
faut dire qu'il en tient une couche, ce soir, Frédéric le beau gosse de chez Carrefour, le rayon, tout au fond, a gauche, celui des alcools...
Il
n'a pas encaissé comme d'habitude. D'ailleurs, rien ne s'est passé normalement ce soir.
Il était, pourtant, persuadé, que ce coup ci, il allait assurer. Frédéric, le magnifique. Il s'y voyait
déjà....
Alors qu'il glandait avec Julien, cet après-midi,
son téléphone avait sonné et ô joie, ô espoir, une délicieuse voix féminine avait charmé ses
oreilles.
Une prise, une.
Une demoiselle, une certaine Juliette, dont Fred
ne se rappelait fichtre pas, était tombée sur une de ses cartes de visites et elle avait eu envie de
l'appeler, de savoir s'il était libre
ce soir pour venir dîner chez elle.
Carrément un dîner, il n'en revenait pas. Mimant,
le mec over-booké, il prit,
finalement l'adresse de ce cadeau
tombé du ciel (Dieu existe, c'est une femme. Je l'aime!) et fêta cette bonne nouvelle avec Julien, qui délaissa son efferalgan pour ne pas laisser son
pote trinquer tout seul:
" T'as vu, hein? Je ne suis pas un mytho...
Tu vois que ça marche mon système. Une petite carte glissée a la va-vite, hop, hop,hop, un petit sourire
et elles te rappellent. Elles sont folles de moi....
Ca
doit être mon côté romantique qui les fait tomber, non comme des mouches, mais tels des papillons qui butinent une
fleur.
Elles sont les papillons
et moi la fleur...
Putain,
termina -t-il en même temps que son verre, fier de lui. Si c'est ça c'est pas du romantisme, je rentre chez les moines et je reste a la veuve solitaire... Ah... Ah... Ah!....
Non,
les gars, vous pouvez vous foutre de ma gueule, n'empêche que, moi, ce soir, je vais niquer. Et pas que ma thune et mon cerveau...
Ah...
Comment feraient-elles sans moi???"
S'apercevant
que son ami ne participait que peu a sa liesse, il s'éclipsa après deux derniers verres et en sortant, comme nous le savons, il fut privé de son
téléphone et de sa Golf par
l'aimable maréchaussée, dans des
circonstances un peu floues.
Premier
hic, mais comme les hips, il en faut plus pour arrêter un Fred en marche. Il opta donc pour l'option transports en commun.
Même si le voyage en RER s'est déroulé
paisiblement, il n'en n'était pas
moins vert d'emprunter ce moyen de
locomotion. Depuis combien de temps n'avait-il pas utilisé les services de la Ratp, il ne tenta pas même pas d'esquisser une réponse.
Fiou... Trop longtemps!
Il
arriva, tout de même, à provisoirement oublier le malencontreux incident avec la police, pour concentrer son
esprit sur Juliette.
Délicieuse Juliette qui m'a appelé. Ah Juliette, tu ne vas pas être
déçue. Non, je vais bien m'occuper
de toi...
En veux-tu? En voila! Me
voilà !
Malheureusement,
n'étant pas arrivé a la fin de ses déboires, la réalité éclipsa ses fantasmes. Alors qu'il changeait a Gare du Nord, pour prendre le
métro (ça pue toujours autant ici!)
et descendre à Château Rouge, il
réalisa que, putain de bordel de merde, il avait négligé le fait que le post-it avec le
numéro de la rue, le numéro de
téléphone et le numéro de digicode (saloperies
de numéros!) était logiquement collé au
dos de son portable qui était resté dans cette PUTAIN d ecaisse!
Enculés
de keufs! Merdasse de flicaille! Qu'ils gardent mes papiers, ma caisse, ce
qu'ils veulent, ces connards. Mais
qu'ils ne me cassent pas mes plans baise! Ah, les fils de putes! Ah, les
pédérastes!
M'empêcher de dégorger le poireau!
Me priver de tirer ma crampe! Me déposséder d'une schneck humide! MORT
AUX VACHES, tiens!
Il alla noyer sa rage et son désespoir dans le
premier troquet minable qu'il trouva Un petit bistrot, dans une petite rue, la façade ne payant pas de
mine avec ,comme unique décoration
extérieure, la crasse sur les murs, la licence IV et une vieille affichette
jaunie indiquant la venue d'un obscur
accordéoniste en tournée.
C'était
le genre de bar, où lorsqu'on y pénètre, si on n'est pas un exclu, là, on le devient de fait.
Repaire
de putes sur le retour, de vieux rebeus dont le seul signe d'intégration
authentique est leur présence dans ce sombre boui-boui, d' obscurs
gratte-papiers au col blanc maculé de
transpiration, de cols bleus fatigués, tenu
par un patron qui laisse le milieu y déposer ses bandits manchots.
Bref
un lieu comme les affectionne Fred.
Au bout de trois demis au comptoir (dix
balles le demi!), de plusieurs
tournées de cacahouètes, il abandonna
l'espoir de retrouver dans l'ordre tous ces numéros oubliés. C'est comme au loto, c'est jamais les bons qui sortent.
Son ventre alourdi de 10 pressions et sa fortune allégée de 10 sacs, Fred ne sait plus très bien où il est.
Alors, maintenant, vagabondant boulevard de Strasbourg, il n'a vraiment plus aucune idée sur rien, mais alors riiiiieeeeeceennnnn
C'est tout juste, s'il entre aperçoit les lascars qui s'approchent de lui, un tout petit peu excités....