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Dimanche, une heure du mat',
pres de République, Paris XI:
C'est une
rue en légère côte, encore et surtout vivante a cette heure-ci.
On y retrouve toute une
population hétérogène composées de noctambules de toutes sortes: jeunes fumeurs
de joints des banlieues, bourgeois branchés de toutes générations, racailles locales qui tiennent le trot toir et les entrées de blocs
d'immeubles à bon marché, racailles des cités éloignées venues, a 5 par Mercos "empruntées" pour "mettre
le dawa dans la capitale", touristes égarés, travellers caninisés, homos hors du ghetto, night-clubbers "coco
et exta à tout va ", dealers de came aux voitures
de sports immatriculées en Belgique, apprentis-cadres bourrés, musiciens non
écoutés, artistes incompris, étudiants étrangers sans le sou et tout autres
personnes anonymes attirées par la lumière et la vie de cette rue.
Ici, restent ouverts jusque
tard dans la nuit ou tôt le matin: l'épicerie de nuit qui a tout compris et qui
,en dehors des
rondes policières, vend alcool et cigarettes à qui veut; le traditionnel kebab
à la grecque tenu par un turc et sa longue queue de clients affamés se souciant
peu de la diététique et de ses bienfaits; le non moins inévitable marchand de
sandwichs-paninis de l'autre côté du trottoir ; deux ou trois bars branchés et dansants; un ou deux bistrots
pourris; un tabac qui ferme à deux heures et dont la file d'attente défie celle
du "sauce blanche ou harrissa?";
et, un peu
plus loin, en remontant cette rue, il y a 5 ou 6 boites et clubs plus ou moins
sélects, plus ou
moins chébrans, plus ou moins chères...
En fait, si cette rue est si
prisée, c'est a cause de sa bonne réputation fondée sur le fait, qu'ici ce
n'est pas trop
jet-set, ni réservé a une élite. C'est un haut lieu de la nuit , aussi bien pour les classes
aisées, que les
modestes que pour les plus que modestes.
Ici, on peut venir profiter des attraits de la capitale,
sans pour autant être contraint aà outrepasser des barrières difficilement
transgressables, comme celle de l'argent, du piston ou de la notoriété.
Cela commence à revenir de plus en plus souvent dans les
discussions d'aspirants fétards déchus et refoulés de nombre d'endroits parisiens, que cette rue
permet à tous de s'éclater.
On pourrait rentrer plus facilement dans ses lieux de
défoulement nocturne que dans tous les autres îlots qui bougent à l'intérieur du périph'.
Car, ici, casquette ou baskets, qu'importe ta tête, tu
dois pouvoir faire la fête, c'est possible. C'est la rumeur qui le dit, mais la
réalité dépend de l'humeur des videurs.
Et pourtant, nombreux sont
les banlieusards venus profiter des avantages d'une ville lumière, dont, ils subissent,
quotidiennement, depuis leur proche cambrousse, les nuisances, sonores et
polluantes des aéroports et des autoroutes à 6 ou 8 voies, mais aussi d'autres nuisances
moins perceptibles mais toutes autant perçues telles que le manque de vie identitaire des
communautés périphériques où l' impression de venir de nulle par et donc de n'être que
dalle est très en vogue.
Ils
viennent, ici, en voiture, dès qu'ils le peuvent, avec leur A rouge au cul, leurs plaques non-immatriculées 75...
Elle
sont remplies de potes fracassés, elles se faufilent dans la circulation
parisienne dense et stressée, pour atterrir, souvent le samedi soir, dans cette rue,
histoire de "faire la teuf a Ripa!".
C'est
pourquoi, nous retrouvons ici, ce soir; Paul et Tim,qui se préparent pour
tenter une entrée auCyttébéh, un bar, avec un prime un dj et une piste de danse.
Julien
est parti, quant à lui, acheter des grandes 1664 chez le rebeu du coin.
Il
n'y tenait plus, depuis l'autoroute, il en cherchait un d'ouvert, mais les rares qu'il avait
croisés était si
mal situés qu'il ne pouvait s' y garer,
même vite fait.
Puis, sous la grogne de ses passagers,
pressés d'arriver,
finalement, il s'est posé tout près de la rue, sachant pouvoir y dénicher son
bonheur.
Il
s'est séparé des deux autres, leur donnant rendez-vous a l'intérieur:
"Vous faites comme vous voulez, les gars. Moi j'vais
pécho une teillebou, d'abord. L'ivresse de laf ête, d'accord. Celle de l'alcool, d'abord!".
Devant
le Cyttébéh, Tim et Paul s'accommodent parfaitement de cette séparation. A eux
deux, leurs chances
de parvenir à franchir le perron du club se multiplient.
En
plus, Julien est en baskets. le
con, des sketbas, il abuse.
Cet
accessoire podologigue est bien connu pour n'être que peu compatible avec les
sorties nocturnes de ce style.
Alors, tous les deux avec leurs pompes de ville, ils
risquent d'avoir plus de succès dans leur entreprise de pénétration dans le bar, et ce auprès des
vigiles.
II
s'approchent des deux videurs, grands lascars rendant gringalet tout amateur de
pompes du matin,blacks,
vêtus de black .
Il sont en pleine discussion, bloquant l'entrée de leur bras croisés.
Ces
deux mecs ont l'air jovial, c'est bon signe.
Ils
sentent monter en eux l'angoisse du moment du "bonsoir adressé au
videur".
Espérer,
parfois en vain, que le passage
s'effectuera en douceur, normalement, sans faux-semblants.
Car,
ce « bonsoir » n'est pas seulement une
formule de politesse, c'est surtout un clé ou un verrou, un" Désolé, Messieurs, c'est une
soirée privée..", ou pire encore, un dévisagement humiliant des pieds
(attention aux baskets!) à la tête (gare a la casquette!) se finissant par un
souriant mais convaincant: "Je crois que cela ne va pas être possible.",
alors que justement a l’instant d'avant, le cerbère vient de laisser passer, en
l'embrassant, un
type en nike à 1000 balles et casquette a 200 balles.
Bref, un `bonsoir", même
bien préparé, longuement mûri, concerté ,est tel un mot de passe qui se tente comme lorsqu'on teste un
numéro de carte volé: on n'est pas tout à fait sûr du numéro, mais on l'essaie
quand même. On aimerait tant que ce marche!
En
plus, du résultat de ce "bonsoir" découlera la teneur de la soirée.
Si un "bonsoir" conduit a
un refus d'accès parl es mastodontes en
oreillette et bombers, la soirée est niquée, fichue, tendance perrave, dégénérescence suite a embrouilles avec le videur; déchéance autour d'un grec;
déclin du retour chez soi; décrépitude, demi à la main, dans un minable troquet qui pue la pisse et le vomi,
dégringolade suite aux essais ratés d'intrusion dans de nouveaux lieux; décadence de l' accumulation des refus de
franchir les frontières de la rue, dislocation suivie d’ une prise de gueule
avec d'autres refoulés, bien plus relous que vous....
Joli programme, non?
En revanche, si de ce même "bonsoir" naît , en
retour, un accueillant " Bonsoir, Messieurs" inespéré, inopiné, tellement irréel
qu'on aurait presque envie de serrer les videurs dans nos bras, alors la soirée
peut, éventuellement,
bien se dérouler: déhanchement endiablé sur musique machinale; promiscuité de
femelles parfois cuitées,
ça aide, jolie barmaid; coups à l'oeil; finir dans un autre lieu; puis aller se
finir dans un autre pour réellement finir dans une after ou un appart,... ou un parc…
Mais comme le dit si bien Paul, "c'est pas tout les
jours Noël!", et par conséquent, ça peut tout aussi bien être pourri et désert,
une fois à l’intérieur.
Mais, actuellement, formulant leur bonsoir aux vigiles qui
stoppent nette leur discussion si animée pour se figer, les deux potes n'espèrent qu'un seul son
parviendra a leurs oreilles: "B'soir m’sieurs...".
Ils y croient...