Come back...
Dimanche,
1h05,
à
l'entrée du Cyttébéh:
STOP! Demi-tour, les
gars. C'est complet ce soir! Au revoir!"
Voila
l'unique réaction suscité par le "bonsoir" déterminé mais timide
de Tim et Paul. Mais les deux amis, ne s'estiment pas vaincus pour autant.Ils
entreprennent une phase de négociations, ils tentent les pourparlers devant
des vigiles, irrités par un acharnement qu'ils ne comprennent pas et
prennent pour une atteinte à leur personne.
Nombre
de videurs sont des vidés reconvertis. Marre de se faire refuser l'entrée
des boîtes! Refusons les autres à notre tour. La psychanalyse a de beaux
jours devant elle avec ce type de réactions humaines.
Mais
pour l'heure, délaissons l'ami Freud et ses potes, pour concentrer notre
attention sur Tim et son pote, qui ont décidé de camper sur place jusqu'à ce
que du monde ressorte du Cyttébéh, et qu’ainsi l'argument des gardiens de club, retournés à leur discussion, ne
tienne pas plus debout que d'affirmer qu'un menu au macdo équivaut
à un repas complet.
Seulement,
voila, depuis 5 minutes, des gens sortent et d'autres ,moins
nombreux rentrent en leur passant devant, sous les regards et les
"bonsoirs" approbateurs des deux gorilles à l'entrée.
Tim
commence à se décourager et à désespérer.
Pourquoi j'ai fait le con? Ca m'a pas suffi de
finir endormi dans un fauteuil, hier soir? Faut vraiment que je sais maso pour ressortir ce soir! Pourquoi
j'ai pas appelé Caroline? Moi et ma fierté de mâle a balles deux! Elle m'aurait, sans doute, pardonné pour la
dispute d'hier soir...
Mais si elle ne me fait pas signe, et moi, non
plus, ça peut continuer longtemps cette situation bancale, a moins qu'elle ne casse carrément!
C'est pas bon de laisser pourrir les malentendus!
Et puis, c'est à se demander, si elle n'avait pas
raison de traiter mes potes de loosers et mes plans de foireux... Si elle me
voyait, là, essayant de mendier une entrée devant ce club "in"...
Laissant
son pote donner libre court à ses
interrogations conjugales, Paul, célibataire endurci à son insu, sent la
colère et l'impatience monter en lui. Il sollicite nerveusement l'attention des
Men In Black en les interrogeant brusquement sur les raisons motivant
leur décision de les laisser croupir dehors.
Un
regard vite jeté, la discussion des barrières vivantes reprend de plus belle,
ignorant l'intervention de Paul, déterminé, lui, à parvenir a ses fins.
Paul
accumule sa rogne, puis se déchaîne de sa frustration en psalmodiant des
injures et des vérités aux cerbères, plus surpris qu'amusés, puis l'adrénaline
montant à son cerveau, aidé par toutes les drogues dont il a l'usage
courant, Paul, fouille dans sa poche, y trouve un paquet de clopes vide.
II le
broie entre ses doigts, fébrilement, et s'en sert comme, d’un ridicule, projectile vers les gardiens
de l'ordre du temple nocturne de la teuf.
Son
geste aurait pu n'avoir aucune conséquence néfaste. Mais, fâcheusement, il buta
contre la figure d'un troisième vigile, invisible, jusqu'à présent, qui
sortait voir d'où venait cette agitation extérieure. Histoire de donner
un coup de main aux collègues malmenés.
Surtout
que ce dernier, Eugene, avait en son imposante compagnie, un
gentil toutou, Ellen. Un de ces chiens dont la stérilisation
est maintenant obligatoire depuis qu'ils sont passés de la catégorie
d'animaux de compagnie à celle d'armes dangereuses et réglementées. Un
pitt-bull, un rottweiller, un hybride?
Ni
Paul, ni Tim ne pourront affirmer, confirmer ou infirmer la marque de ce chien.
L'action se déroule rapidement, en vitesse
"double accéléré" sur un magnétoscope:
Le
paquet de clopes percute la tête d'Eugene. Réaction des vigiles. Le
chien à qui on enlève la muselière. La panique qui envahit les deux larrons. Le
chien qui aboie. Les vigiles qui crient. Paul qui se met a courir. Tim
qui, revenu subitement de ses pensées à la réalité, tape un sprint pour le rejoindre: "Attends-moi! T'es con! „
Le
chien a sa laisse retirée. Tim accélère. Paul aussi. Le chien part en
troisième. Le maître suit. Le chien aboie. Le maître crie. Paul
tourne à droite. Tim, aussi. Le chien, de même. Le maître pareil. Aboiements.
Cris.
A gauche! Vite la petite rue. Non, une impasse!
Tout droit!
Le
chien se rapproche. Tim se rapproche de Paul. Le vigile suit a distance
constante, excitant le chien. Tim double Paul: "Suis-moi".
A gauche! A droite!
A travers
le boulevard. Au milieu des rares voitures. Les aboiements s'intensifient.
Là-bas, un parc.
Tim
saute. Paul escalade, sous le regard impuissant et hurlant du chien. Ils
coupent à travers parc. Tim escalade. Paul saute.
Merde, c'est
un rond point.
Le
chien est la, hurlant comme vache qui pisse, comme son maître qui transpire.
Tim sue. Paul sue. Eugène Sue. Sue Ellen. Course effrénée. Poumons au bord de
l'implosion. Points de tous les côtés. Le souffle qui s’essouffle. Celui du
cabot n'est plus loin. Au loin, rien. Que des rues. Des petites tortueuses. Gauche. droite!
Cachés
derrière une voiture. Découverts. Re-course. Vigile,d'un côté, talki-walkant a
ses supérieurs ou a la police. De l'autre, chien déchaîné et déterminé a
capturer son gibier. Dressé pour choper et ne pas lâcher!
Planquage
dans pas-de-porte. Demi-tour, toutes. La
gorge brûle, les jambes tirent Le clébard traque sa proie, la fatigue connaît
pas. Tim crache ses clopes. Paul, sa beuh. Tim, son gin de la veille. Paul, ses
verres du jour. Pourtant, courir, encore courir, fuir. Ne pas se laisser coincer. Libres comme l'air! Cours, Paul, cours!
Cours, Tim, cours. Cours, mon chien, cours! Mords, Ellen, mords!
Ouaf, ouaf, Ouaf!
Il faut faire quelque chose! Arrêter cette course! Se planquer!
Respirer! Suspendre cette course déraisonnée
sonnée!
Tim
tourne rapidement à gauche. Paul , aussi. Avant que le clebs ne tourne a son
tour.
Tim,
aperçoit, fortuitement, une porte d'immeuble qui se referme... Porte bloquée
d'un pied, écarté d'une main, passée, et d'un. Et de deux! De justesse,
claquée. Ouf, sauvés!
Tim et
Paul, pénètrent dans la cour, dans un hall,dans une autre cour, puis dans un
autre hall, pour finir dans une dernière fournie, elle, en verdure d'intérieur.
Beauté cachée de Paris?
Accroupis,
inspirant de l'air aussi brutalement et bruyamment qu'ils en expirent, vidés de
toute énergie, fatigués par cet effort important et improvisé, par ce sprint de
près de 5 minutes, cette course poursuite aux causes absurdes, le manutentionnaire
et l'assistant de Wistiti Prod, récupèrent comme ils peuvent.
Paul
est adossé a un palmier nain. Tim, a un petit buisson. Ils reprennent leur
souffle et leur esprit. Ils tentent de savourer leur piètre victoire sur la
gente canine et gorille.
"
Putain, ce qu'on peut être cons, confesse Paul.
-Tu
l'as dit, bouffit, absout Tim."
Et
difficilement, dans une toux sèche et grasse, ils partent dans un auto
dérisoire fou rire nerveux.
"
Par contre, on a eu une saloperie de chance de merde, admet Paul
-J'ose
même pas imaginer ce que peut faire Caroline en ce mo... moment, bafouille à
regret Tim.
- Toi,
c'est pas qu'avec ces connards de vigiles que t'as la frousse qu' au cul . T'as
la frousse, cocu, jeudemotise Paul. - En tout cas, j'en connais un qui risque
de ne pas avoir de cul, non, plus. C'est ce trouduc' de Jules avec sa' 1664,
redondante Tim.
- Je
veux bien te croire, approuve Paul, mais marquant un temps de méditation: j'espère
seulement que ce couillon aura la présence d'esprit de nous attendre.
- Y a
plus qu'a patienter ici que ça se tasse, propose Tim, une demi-heure. et puis,
on tentera une sortie. Y'a pas mort d'homme, y vont pas nous traquer plus
longtemps... Ni appeler les keufs.
Puis, discrètement,
évitant la proximité du Cittébéh, privilégiant celle de la voiture, on guettera
Julien...'
- Il
doit surement y être déjà, refoulé, lui aussi, approuve Paul.
Sacrée
soirée, va!"