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Samedi, 6h00,
Sur la route des Ulis,
La Golf
La Golf de Fred dévale tranquillement la D46 sous un
soleil se levant sur une vallée de Chevreuse assoupie. Assis aux côtés de ce
dernier, Paul est surexcité, il a le regard vif, un large sourire et une envie
folle de tout raconter à ses potes qui, à part Fred concentré sur la route et
par la même occasion sur la musique de boîte qui s’échappe en sourdine de son
autoradio high-tech, sont dans un semi-état comateux typique des fins de
soirées difficiles. Mais, Paulo, lui a l’air plutôt enchanté de sa soirée et
pour cause :
«
Bon, les man, faut que je vous raconte… Ok, je vous ai un peu pris la tête,
j’ai pas été très diplomate pour vous faire comprendre qu’il y avait urgence,
qu’on devait à tout prix se barrer de cette baraque de merde..Je vous dois des
explications.
Tout
à l’heure, après que toi, Fred, tu m’as laissé en plan pour aller te réfugier
dans ta caisse, tandis que les deux autres, hey les gars pioncez pas, écoutez,
vous étiez en train de scotcher tout pouille-dé, moi je suis part voir où Sam
avait disparu. Ne le trouvant pas, j’ai opté pour aller faire un tour dans les
étages, histoire de voir s’il n’était pas en train de faire des folies de son
corps avec sa dernière conquête. Je sais, ça s’fait pas d’aller emmerder un
pote lorsqu’il tire sa crampe, mai bon, j’me faisais chier.
Arrivé
au premier, j’ai donc ouvert les portes des différentes pièces sans résultats.
Ni dans les chiottes, ni dans un espèce de débarras, ni dans ce qui ressemblait
à une chambre et encore moins dans ce qu m’a paru être un bureau.
J’allais donc monter au deuxième Quand j’ai croisé son pote et sa copine, puis
Sam et sa nana qui en redescendaient. Il m’a dit avec une expression pleine de
sous entendus, qu’il,partait finir sa soirée avec eux et que, moi, j’avais
intérêt à redescendre fissa vu que Gilles avait carrément interdit l’accès aux
étages et que si il me voyait là il serait furax et que lui aussi, Sam, s’en
prendrait plein la gueule étant donné que c’était lui qui m’avait invité et que
donc, pour l’autre con, il était responsable de moi. J’vous passe les détails…
Hey, les gars, vous m’écoutez. »
Pas
de réponse, bonne réponse. Paul
continue donc son récit :
« En
fait, je ne suis pas redescendu. Bravant l’interdit, j’ai attendu de les voir
disparaître en bas de l’escaler, faisant style j’vais aux toilettes. Et je suis
monté au second, j’avais décidé de jouer les explorateurs d’intérieur. J’ai
ouvert la première porte venue et là vous devinerez jamais ce que j’y ai
trouvé. Y’a pas de hasards.
- Va au fait, le coupe Fred
montrant du coup qu’il écoute plus qu’il n’en a l’air. Alors qu’esske t’à de si
intéressant à nous raconter. T’as tâté de la chatte ? Raconte….
- Putain, ce que tu peux
être fermé. Y’a pas que le sexe dans la vie. Ecoute…
- Mais non, j’suis ouvert,
y’a le cul aussi, rétorque Fred, mort de rire (gras le rire !)
- Quand tu sauras, mon
gars, c’est toi qui le seras, sur le cul… Bon, sérieux, j’ouvre donc la porte,
sans pitié. J’allume la lumière qui inonde la chambre car c’en est une. En
bordel, comme toute chambre d’ado qui se respecte, je vous laisse imaginer le
tableau : chaussettes qui traînent, tas de fringues éparpillé, bureau
croulant sous toutes sortes de papiers, lit à la couette défaite, guitare
désaccordée dessus, …
- Non, là, j’imagine pas
très bien. Donne plus de détails. Désaccordée comment la guitare ? En
ré ? en mi ? sois plus précis encore, ironise Frédéric.
- Arrête de me couper la
parole, s’il te plaît, t’es relou… Alors, je commence à farfouiller un peu
partout, j’sais pas ce qui m’a pris, mais bien m’en a prit, car vlà que je
tombe sur un tract du FNJ, puis un deuxième, puis des autocollants style :
« quand nous arriverons, il partirons. ». et c’est pas fini, derrière
la porte : un drapeau sudiste. Je jette un coup d’œil dans la
bibliothèque : uniquement des bouquins de Maurras, de Drieu-La Rochelle,
de Bernard Anthony-Romain Marie (un intégriste catho de la pire espèce), de
Céline (quoique vous me direz) et une saloperie de biographie dédicacée d’un
gros borgne. Un putain de repère de faf, merde.
- QUOI ? On était
chez un FACHO !!!, hurle Julien qui semble sortir de sa léthargie, faisant
ainsi sursauter tous les autres occupants de la voiture et effectuer une
embardée à Fred, surpris.
- Came-toi, tempère Paul,
content de l’attention procurée par son histoire. Je vais t’expliquer et tu
comprendras pourquoi, on n’a pas intérêt à y retourner, justement.
- Sa mère… Chez des
fachos… Ah, les enculés…, continue à marmonner Djule, lui qui a été un militant
actif du Scalp (Section Carrément Anti Le Pen) au débuts des 90’s.
- Justement, reprend Paul
tandis que Julien retombe peu à peu dans son sommeil éthylique. Justement, moi
aussi, je n’en revenais pas. J’étais dans la piaule d’un facho, activiste de
surcroît. Merde je me suis dit, faut faire quelque chose. J’ai d’abord eu envie
de tout péter, de pécho les tracts et les bouquins pour les brûler. Faut pas
déconner, un salaud de membre du FNJ !
Mais, contrairement à ces abrutis, j’ai réfléchi. J’ai
fouillé dans les tiroirs, sous le lit… Vu que c’était déjà le boxon, je ne me
suis pas gêné pour en foutre. Et vous ne devinerez jamais sur quoi j’ai pu mettre la main…
- Un numéro de Playboy
avec la fille de Jean-Marie à oilpé ?, devine Fred.
- Ta gueule !,
poursuit Paul. Dans un placard, dans une boîte de carambar, y’avait trois mille
balles !
- Et tu les as
endormi ?, demande Fred.
- Mieux que ça, non
seulement je les ai endormi, mais en plus, en poursuivant mes recherches je
suis tombé sur ça. »
Sur
ces mots, il extrait de son blouson Célio, compressée sous plastique, une balle
d’au moins deux cent grammes de skunk sous les yeux interloqués de ses potes,
poussant même le conducteur à reculer son allure par un brusque coup de frein
suscité par la surprise (décidément beaucoup surpris le Fred !).
Alors,
l’agitation s’installe dans la Golf. Fred et Julien, réveillé par la bonne
nouvelle alléchée, parlent ou plutôt braillent en même que Paul tente de finir
le récit de ses exploits. Tim, lui, n’a toujours pas ressurgi, sa tête ronfle
toujours contre la vite arrière.
« Je
vous invite chez moi à fêter ça autour d’un dernier pétard. Last, but not least car vu la quantité… Et puis au
prix du gramme y’a moyen de se lâcher, grave ! Et c’est les nazis qui
régalent !
- Wahou, t’as assuré mon
vieux , le félicite Julien, qui boosté par la nouvelle a totalement refait
surface. Niquer un enculé de ciste-ra et qui a le culot de dealer de la beuh,
en plus. T’as déchiré. A la guerre comme à la guerre. Putain, quand Sam saura
ça…
- Il n’en saura que dalle,
coupe Paul. Parce qu’on ne va rien lui dire à Sam.
- Faut quand même le
prévenir que son pote c’est un fils de pute de facho, s’interloque cette lope
de Fred. C’est la moindre des choses…
- Déjà, c’est pas son
pote, c’est son petit frère, je l’ai grillé, il s’appelle Henri, regarde,
répond Paul en montrant à son copain la carte d’identité du frangin qu’il
s’empresse de faire glisser par la fenêtre entrouverte et ainsi s’envoler à
travers les rues endormies qu’ils traversent maintenant.
- Cest pas une raison.
- Non, mais moins on est
dans l’affaire, mieux ça vaudra. Y risque pas de se laisser faire sans rien
dire, le petit adolf, il va être véner, il va peut-être nous soupçonner. On
sait jamais, alors pour l’instant : motus. »
La
voiture file maintenant à travers bois vers les Ulis à travers la côte de
Montjay et ses deux cimetières de chaque côté de la route. Fredéric, Paul et
Julien sont morts de rire, Paul es plus très fier de lui : trois mille
balles et deux cents grammes de beuh, imaginez le peu.
« Finalement,
conclut Paul tandis que la Golf de Fred se gare, non sans difficultés en bas de
son immeuble.
Finalement, cette putain de journée ne se finit pas trop
mal…. »