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Le rôt ment
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Le rôt ment
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3 avril 2007

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Vendredi, 13h30,

Station Antony, ligne B du RER :

Sur le quai, la télé des horaires des trains indique que la rame de 13h30 est sur le départ .Dans le wagon, où résonne la sonnerie de fermeture des portes, un jeune tout en jogging et casquette jaune s’introduit in extremis entre les battants qui se ferment. Le RER repart. A cette heure-ci, les rames sont plutôt vides. Hormis le jeune qui vient de rentrer, il n’y a qu’une dizaine de voyageurs : 2 ou 3 mamies égarées, quelques chômeurs à sac Tati et autant de visages éteints. Parmi tout ce petit monde banlieusard, le non moins banlieusard Samuel, casque sur les oreilles d’où détonne le dernier son de Busta Rhymes, examine par la fenêtre les tags et graffs bombés à l’arrache sur les moindres murs et autres supports bordant la ligne (poteaux, blocs électriques, panneaux, cailloux, bâtiments, grillage).

C’est un regard d’observateur, de connaisseur, d’amateur, limite de critique d’art. Il passe ainsi chaque trajet à guetter les nouveaux, traquer les vieux repeints, repérer les old school ineffaçables, car respect, y represent grave. Il s’amuse à lister les noms des taggers, de leur crews, ceux qu’il connaît, ceux dont les membres sont des potes, ceux qu’on n’aime pas. Puis de temps en temps les siens, très peu, surtout des tags, des vieux un peu effacés, pas forcément les plus beaux. D’ailleurs, bien qu’il essaie de repérer les rares et précieux espaces encore vierges, sans nom, sans peinture, et qu’il y cherche un accès possible, le tag n’est pas vraiment sa passion, plutôt une vieille occupation un peu délaissée. Il a pourtant passé bien des soirées à repeindre sauvagement les murs, le sac à dos rempli d’aérosols et d’embouts, à jouer au chat et à la souris avec les maîtres-chiens de la rapt. Et des après-midi au centre auto de chez Carrouf à tirer des bombes sous le nez des vigiles quand c’était un ado révolté.

Le temps a un peu effacé cette frénésie vandale et scripturale. D’ado révolté, Sam est passé à l’ado attardé. Et si il a un peu laissé tomber Messa One et Be hatch (son pseudo de guer-ta et le nom de son crew), par contre il est toujours resté scotché à sa planche à roulettes. C’est d’ailleurs pour ça qu’il est là, dans ce wagon filant vers la capitale, son skate sur la banquette orange, sa casquette, grise, sans marque, posée un peu de côté sur sa tête. C’est pour aller skater, faire des hollies, des 3-6 flips, des grinds, puis éventuellement aussi, autant joindre l’agréable à l’agréable, pour essayer de capter le numéro d’une meuf impressionnée, par sa dextérité, son sens de l’équilibre, et la nonchalance avec laquelle il effectue toutes ces figures.

Le RER arrive à Châtelet-les-Halles, la plus grande gare souterraine de France, traversée chaque journée par des millions de personnes, squattée par des milliers. Au milieu de toute cette faune urbaine, des flics sur-vigipiratisés, cailleras sur-portabilisés, cadres sur-attaché-caissisés, travailleurs sur-fatigués, mendiants sur-médiatisés, musciens sur-sonorisés, parisiens sur pressés, Samuel, éternel jeune sur-attardé sort du trou-forum des Halles, escalator sous ses pieds, skate sous son bras et se dirige vers la Fontaine des Innocents. La fontaine, quoi ! Ultime spot de skateurs connu de New York à Sidney. Sam le pratique surtout pour la drague, pour les sessions plus techniques, il préfère des spots plus underground. Mais pour serrer des nanas, la fontaine, tout le monde le sait, c’est l’endroit idéal pour draguer des provinciales esseulées ou des étrangères avides de french lovers.

Que demandent les jeunes ? Sex, drugs and having fun my dear!

Justement, alors que Sam ride autour du jet d’eau, parmi la racaille et les flics, à côtés de japonais nikonnisés et nikonnissant, il remarque bien vite une jolie demoiselle d’un vingtaine d’années, poitrine blottie sous tee-shirt moulant taille xxs marqué BEACH, nombril percé et tatoué, baskets no name grises flashy aux pieds, cheveux bonds au carré, sourire dentifrice admiratif, yeux bleu-vert fixés sur lui. Et hop, voilà, le tour est joué, un petit 3-6 flip bien rentré plus tard, le voici assis auprès de Kristina, étudiante en art contemporain à la Sorbonne, quittant ainsi son Danemark natal pour 6 mois, loin de sa famille et qui cherche des rencontres en faisant semblant de lire Kierkegaard en version bilingue sur les marches de la fontaine.

Et que blablabla, et que blablabla, dans un mélange franco-anglo-germano-danois et qu’on aille boire un coup en terrasse, et que re-blablabla, et que je t’invite à une super nice schöne soirée party, yes, heute night, near Paris, a big baraque, yes, ja, mitte with eine swimming pool, et que je te do you have eine maillot de bain ? you know, un comment on dit déjà, a swim wear, alse skate-wear is wear für skating, swim wear is wear for swimming,

Mais, la belle nordiste, n’a justement pas de Badeanzug, et que je te it’s tombe gut. Paris, the town of das wear. Let’s go zum kaufen eine maillot of swim au forum.

Et voilà, le Sam, la beau gossitude en force, qui s’engouffre accompagné de son skate sous ses pieds en équilibre sur les marches et de Kristina sur la marche au dessus dans les profondeurs des Halles, via l’escalator blindé de people.

 

Yes I, voilà une soirée qui s’annonce bien.
Elle doit assurer la belle danoise en monokini en forme de string.

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