Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Le rôt ment
Le rôt ment
Publicité
Le rôt ment
Archives
2 avril 2007

....

Vendredi 13h30,

Boulevard Périphérique,

Quelque part entre Porte de Bercy et Porte de Bagnolet :

 Saloperie de moto en panne ! Saletés de voitures en marche ! Ou plutôt à l’arrêt, au taquet, cul à cul. Périph’ bouché ! Pourquoi tant de gens prennent leurs mères de voitures à c’t’heure ? Fais chier merde ! Je vais encore être à la bourre au boulot ! Et on va dire qu’j’le fais exprès ! Putain, c’est ma faute à moi si tous ces cons à quatre roues bloquent les trois voies ? Fais chier, merde ! Bite ! Couilles ! Chatte !

 Dire qu’en ce moment, 13h30 sur le panneau lumineux « Périphérique bouché », les sentiments qui traversent les pensées de Tim ne sont pas celles de la joie et de l’allégresse ne serait qu’un doux euphémisme.

Il est véner, Tim. Bloqué dans la caisse à savon de sa mère, qui lui sert de moyen de locomotion depuis que sa moto l’a lâché. Deux mois déjà. Il est prêt à péter un câble.

Pourtant, Timothée De Latour, Tim pour tout le monde sauf ses parents et sa grand-mère, a tout pour être heureux. Une jolie copine qui l’aime et qu’il aime. Un taf cool dans une branche qu’il aime et qu’il a choisi, des horaires décalés comme il les aime, un bon salaire qui lui permet d’acheter ce qu’il aime.

Par contre, le voilà bloqué dans les embouteillages comme il le déteste. C’est un jour gris, comme il les déteste. Il s’est levé à l’arrache, au dernier moment comme il le déteste, car dans ces moments qu’il déteste, il n’a pas le temps de se faire un bon café noir, comme il aime, ni de rester 20 minutes dans son bain, comme il aime, et ainsi développer des projets qu’il aime dans sa tête.

Il déteste ne pas faire ce qu’il aime autant qu’il aime ne pas faire ce qu’il déteste. C’est un peu une philosophie de vie, comme qui dirait, une façon, non seulement de voir les choses, mais aussi, comme il aime à le répéter, une façon de les vivre.

 Ca y est, c’est sûr, là, maintenant, j’suis à la bourre, fais chier ! En plus, j’le savais, ça craint d’arriver en retard aujourd’hui. Y vont faire la gueule à Wistiti Prod’, c’est clair ! Les remarques, ça va encore être pour ma tronche…

Trois quarts d’heure plus tard, dont 41 minutes de bouchons, la barrière du parking refuse de s’ouvrir pour laisser entrer Tim et sa voiture. Sa mère ! obligé de descendre de caisse pour appeler le gardien qui va encore me vanner vu qu’j’ai une fois de plus oublié ce putain de code.

Sa voiture parquée, Tim fonce direct à la cafèt’, histoire de prendre un ou deux cafés vite avant de croiser le regard de l’équipe de tournage sûrement furieuse de son retard. C’est pourtant cette fine équipe qu’il retrouve attablée devant des demis entamés voir finis :

« Ah, Tim, scande le chef caméraman, viens t’asseoir, espèce de vieil arrosoir ! On s’attendait plus à te voir, plus d’espoir ! Alors, panne de réveil espèce de carte vermeil ?! Nuit difficile espèce d’ustensile ? Périph’ surchargé, espèce de point g ?

- Putain, m’en parle pas, les trois, putain les trois ! D’ailleurs, si ça a pas commencé, j’vais pouvoir me prendre au moins trois cafés. Au fait, ça a pas commencé ?

- Si, si, on y est, espèce de duvet ! Tu vois pas qu’on bosse dur, espèce d’ordure ! Ca carbure, c’est trop dur, mon enflure.

- Non, sérieux…

- Sérieux ? Espèce de lépreux, on chôme on ne peut mieux. On attend môssieur…

- Moi ?

- Mais non, pas toi, espèce de n’importe quoi, toi, on s’en bat ! On attend, espèce de gland, le réalisateur, monseigneur le branleur.

- Ouf, tu me rassures, Bob, lâche Tim, en vidant d’un trait son premier café et allumant sa douzième clope de la journée.

- Arrête de flipper, espèce de flipper ! T’es toujours à la bourre, mon balourd. Mais ce quart d’heure de retard, espèce de glandeur vantard, on en fera pas une histoire à ta gloire, ma passoire. »

Ainsi rassuré, l’ami Tim prend place à la table de ses collègues et sucre tranquillement son deuxième café. Comme eux, il écoute Bob déblatérer ses désormais habituelles conneries matinées de rimes aussi foireuses et vaseuses que peu injurieuses.

Il a mis du temps à s’y faire, Tim. Non, le cameraman number one ne le considère pas comme un indien lorsqu’il lui demande s’il va bien, ni comme un aspirateur lorsqu’il demande l’heure et encore moins comme une vieille serpillière quand il raconte sa journée d’hier.

Non, il est comme ça le Bob. C’est son style, sa touche personnelle, son originalité. D’ailleurs, grâce à sa pratique bizarroïde du langage, Bob, l’espèce de blob, est devenu une figure de Wistiti Production.

C’est comme ça le showbiz, espèce de pare-brise, t’es pas original, c’est le fond du bocal, les oubliettes à mon âge, ce serait bête, dommage, espèce de potage. Sacré Bob, sûr qu’il parle ainsi, même au lit, espèce de parapluie.

 Tim s’allume maintenant sa quinzième cancérette, il a fini de boire ses cafés, et comme le temps, rien ne se passe, il fait comme ses collègues, il se prend un demi.

Putain, on n’est pas couché, la journée n’est pas commencée. Fais chier, allez autant picoler !

«  Et toi, kess tu fais ce soir, espèce d’arrosoir ?, l’interpelle Bob

- J’sais pas trop, ça dépend quand on fini ce soir...

- Tu vas traîner dans les bars, à la nuit noire, au zanzibar ?

- Non, non, j’ai un plan soirée dans une baraque avec piscine près de Saint-Rémy-Lès-Chevreuse. Mais j’sais pas trop si j’vais y aller, j’suis naze, pi j’ai des trucs à faire. Et j’dois choper mes potes, voir avec ma meuf…

- Allez, sois pas con, espèce de plafond, touche pas le fond, éclate-toi à fond, espèce de poltron !

- Ouais, j’sais pas, j’vais voir ».

Un signal lumineux indiquant le début imminent du tournage au studio Michel Drucker interrompt la conversation. Cela signifie que môssieur le réalisateur (espèce d’ascenceur), vient d’arriver et qu’il attend l’équipe technique pour enregistrer un magazine de la chaîne caninophile « Tout, Mais Tout tout pour les toutous » (TMTTPT pour les intimes). Comme c’est le principal client de la boîte de prod’, la fine équipe prend le chemin du studio Mich’Druck’ emmenée par son chef poéto-caméraman. Tim, assistant-cadreur finit son demi vite fait et s’engage à la suite de ses collègues.

Et c’est parti pour plusieurs heures d’enregistrement à raccorder fils, caméras, câbles, films, etc.…

Et ce soir, j’fais quoi ? J’ y vas à cette soirée ou je reste scotché comme un espèce d’….

Publicité
Publicité
Commentaires
Publicité